« Faut-il étourdir ou non l’animal avant l’abattage rituel ? »

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Bernard Clerfayt est l'invité de Matin Première ce 14 octobre 2021 - Sujet d'actualité : l'étourdissement avant abattage

Le ministre du Bien-être animal Bernard Clerfayt était, ce jeudi 14 octobre, l’invité de Matin Première. L’actualité du jour : « Faut-il étourdir ou non l’animal avant l’abattage rituel ? » « Est-ce contraire à la liberté religieuse ? – La Cour constitutionnelle estime que non.»

(Nous publions ci-dessous une retranscription quasi intégrale de la séquence de l'interview portant sur la question de l'abattage avec étourdissement préalable.)

Pour le Ministre du Bien-être animal Bernard Clerfayt, « […] Tout le monde le sait, il y a une vérité scientifique sur le fait que les animaux souffrent lors de l’égorgement. […] Le Conseil du bien-être animal a déjà dit il y a quatre ou cinq ans qu’il y a une souffrance animale. L’animal met plusieurs dizaines de secondes si pas plusieurs minutes avant de mourir. Il existe des techniques aujourd’hui, qui permettent de réduire la souffrance animale lors de l’abattage. Ces techniques ont été imposées par la loi, en Flandre et en Wallonie.

La question se posait en Région bruxelloise aussi parce que certains évoquaient la liberté religieuse pour dire qu’il ne faudrait pas imposer cette technique. Je suis très prudent sur cette question, de par mon histoire politique, je suis très attentif à ce que disent les communautés. En tant que Bourgmestre de Schaerbeek je sais très bien que cette question est sensible. Il fallait donc attendre de connaître la vérité juridique, à savoir si cet étourdissement préalable atteint ou non la liberté religieuse. Vous l’avez dit, la Cour européenne de Justice, d’une part, au mois de décembre, et d’autre part la Cour constitutionnelle de Belgique, par un Arrêt récent au mois de septembre, viennent de confirmer, que si on respecte la constitution belge qui protège les libertés religieuses, il s’agit d’une atteinte très marginale aux libertés religieuses, mais qui est proportionnée et légitime. Le cadre constitutionnel permet de dire aujourd’hui que c’est une bonne manière de réduire la souffrance animale. »

Mais ce n’est pas si simple rappelle Thomas Gadisseux, les deux partenaires, PS et Ecolo ont jusqu’ici bloqué l’évolution de ce débat. Pourquoi, cette fois-ci, y aurait-il un changement politique ?

Bernard Clerfayt – « Parce que, il y a deux ans, lors des discussions pour l’accord de majorité, il y avait cette incertitude de savoir si cette volonté de protéger le bien-être animal était ou non une atteinte aux libertés religieuses, c’était cela la question. »

Vous vous protégez derrière un débat juridique pour ne pas avoir à affronter la question communautaire ?

Bernard Clerfayt – « Des recours juridiques avaient été formulés contre le texte wallon et le texte flamand, il fallait attendre que la vérité juridique soit dite, et maintenant les plus hautes instances européennes et belges, en termes juridique, disent ce que la constitution belge permet. Ce sont elles qui protègent les libertés religieuses. »

Vos deux partenaires PS et Ecolo estiment qu’il n’y avait pas d’accord là-dessus lors des négociations. Donc il y aura une liberté de vote, pas de discipline de parti ? […]

Bernard Clefayt – « Les partenaires de majorité m’ont confié le soin de gérer le bien-être animal en Région bruxelloise. Jusqu’à présent personne ne critique la manière dont je m’acquitte de cette tâche : on cherche à améliorer le bien-être animal en Région bruxelloise. Les Flamands et les Wallons ont pris des dispositions qui permettent d’améliorer le bien-être animal sur leur territoire. […] Comme ministre du Bien-être animal je ne peux pas ne pas mettre ce dossier sur la table du gouvernement, vous le comprenez. »

Le PS et Ecolo ont voté ce texte en Wallonie. Ils vont le voter à Bruxelles selon vous ?

Bernard Clefayt – « Vous leur poserez la question : est-ce qu’ils ont une position cohérente sur les différents territoires où ils sont à l’action politique ? […] Moi comme ministre du Bien-être animal je ne peux pas dire qu’il n’y a pas de souffrance animale lors de l’abattage. Je dois proposer cette avancée et elle me semble légitime et proportionné sur le plan juridique. Toute personne qui vit sur le territoire belge et qui est soumis à la constitution ne peux pas dire que c’est une atteinte grave aux libertés religieuses. Je pense que ce débat qui est un débat de société doit être ouvert aussi en Région bruxelloise.

Il est ouvert, il arrivera donc au parlement. On sait que le Vlaams Belang soutient aussi ce débat. Vous êtes prêt éventuellement à composer une majorité avec un parti d’extrême droite pour faire passer ce texte ?

« Pourquoi pensez-vous que je dépose ce texte au sein de la majorité, du gouvernement ? C’est bien pour travailler en majorité là-dessus, et c’est mon intention. »

PS et Ecolo estiment que ce n’est pas une discussion de majorité car il n’y a pas d’accord de majorité sur ce point.

« Permettez que je mette le point sur la table du gouvernement, qu’on en discute en gouvernement. Il faut prendre un peu de temps, les positions ne seront peut-être pas spontanément convergentes au début, mais cette question de société est importante aujourd’hui. Tout le monde, quand on écoute les enquêtes d’opinion, veut que l’on réduise la souffrance animale.

Vous êtes aussi ministre de l’Emploi en Région bruxelloise. […] Les abattoirs d’Anderlecht, ce sont aussi 200 emplois directs, 200 emplois indirects. Écoutez ce qu’en pense Paul Thielemans, président des abattoirs.

Paul Thielemans – « Nous avons tout simplement peur, car cette activité va tout simplement se déplacer en France ou même en Pologne. Deuxièmement, on va être hypocrite, fermer les yeux, faire importer de la viande avec une étiquette halal, sachant qu’elle est abattue dans un autre pays européen. »

Il y a aussi un enjeu commercial, vous le reconnaissez ?

Bernard Clerfayt – « Je suis bien conscient de cet enjeu, c’est pour cela qu’au gouvernement je veux aussi parler du volet économique. […] Mais Est-ce qu’au nom de l’emploi, on doit accepter la souffrance animale ? Le ministre du Bien-être animal ne peut pas vous dire “oui”. La question du bien-être animal se pose avec acuité, les citoyens, beaucoup d’associations nous le rappellent sans cesse. Ils ne comprennent pas pourquoi, en Région bruxelloise, la souffrance animale serait tolérée alors qu’elle ne l’est pas en Flandre, en Wallonie, en Suède, au Danemark, en Autriche, en Islande, dans plein d’autres pays du monde.

C’est un débat complexe, comme l’a été le débat autour du voile à la STIB, qui a aussi animé la majorité bruxelloise. Il y a une volonté assumée de mener le débat, de faire sauter les tabous […] ?

Bernard Clerfayt – « L’accord de gouvernement n’avait pas avancé sur cette question puisqu’il y avait une incertitude juridique. Certains invoquaient que c’était une atteinte aux libertés religieuses. Cette question n’était pas tranchée. Aujourd’hui, voudriez-vous que je ferme les yeux sur la question de la souffrance animale ? Je suis ministre du Bien-être animal ! Tous les experts vous le disent, tous les vétérinaires vous le disent. C’est une vérité scientifique [la souffrance lors de l’abattage sans étourdissement], que personne ne peut contester aujourd’hui. […]