L’OCDE souligne dans un rapport combien le marché bruxellois de l’emploi est un des plus polarisés au monde, écartelé entre peu qualifiés et très qualifiés, entre Belges et étrangers, entre navetteurs et Bruxellois. Mais pour affronter ces problèmes, l’éclatement institutionnel du pays n’aide pas.
[…] Le profil de Bruxelles est très particulier. Il montre une population dynamique, jeune et d’origine très diverse. Entre 2001 et 2021, la population belge a augmenté de 12% mais la population bruxelloise de 27%. En 2022, plus de la moitié de la population locale âgée de 15 à 64 ans était née à l’étranger, alors qu’on est à moins de 30% à Hambourg, Berlin ou Stockholm, et moins de 20% à Amsterdam. Et 87% des Bruxellois avaient moins de 65 ans. “On est bien au-dessus de la moyenne des pays développés (81%)”, souligne l’OCDE.
[…] Bernard Clerfayt en convient: “Aucun pays au monde n’a éclaté ces compétences comme à Bruxelles. La situation de l’emploi est déjà assez compliquée et on ne se dote pas des meilleurs instruments pour la résoudre. Ce n’est que depuis mon prédécesseur, Didier Gosuin, que c’est le même ministre qui gère à la fois la compétence de l’emploi (dépendant de la Région) et celle de la formation professionnelle (dépendant de la Cocof)”.
[…] “S’il y a une grande réforme de l’Etat, on peut rêver de mettre le dossier sur la table et essayer de davantage intégrer institutionnellement la formation professionnelle et l’accompagnement des chercheurs d’emploi, répond Bernard Clerfayt. Les Wallons ont, par exemple, fusionné ces deux compétences au sein du Forem. Nous pourrions faire de même, entre francophones, en fusionnant la formation professionnelle (Cocof) avec Actiris (Région). Les Flamands seraient-ils prêts à transférer, eux aussi, leur formation professionnelle au sein d’Actiris? Il y aurait alors un conseil de gestion avec des membres francophones et néerlandophones. Et pour les matières purement francophones, seuls les francophones voteraient. […] ”
[…] Ce ne serait pas la première fusion de ce type. “WallonieBruxelles International s’occupe des relations internationales de la Wallonie et de la Communauté française et du soutien au commerce extérieur qui est une compétence régionale”, rappelle Bernard Clerfayt.
[…] “Pour 10 chercheurs d’emploi peu qualifiés, il n’existe qu’un seul emploi leur correspondant à Bruxelles. Ceux qui disent qu’il suffirait de secouer un peu les gens pour qu’ils cherchent un boulot plus activement ont tort: avec tous les efforts possibles, nous n’arriverions à mettre au travail qu’un seul de ces demandeurs d’emploi sur 10. Si nous voulons ‘activer’ cette population, il faut travailler sur les compétences et la mobilité”, observe le ministre.
[…] 53.000 Bruxellois font désormais la navette vers la Flandre, contre 35.000 il y a 10 ans, et ce nombre augmente chaque année de 2.000 unités. […] “Beaucoup pensent que si on ne parle pas bien néerlandais, on ne pourra pas postuler pour un emploi. Or aujourd’hui, les employeurs flamands nous disent: peu importe, nous prendrons des gens qui n’ont qu’une connaissance de base et nous les aiderons à apprendre le néerlandais sur leur lieu du travail .” La seconde barrière est la mobilité. “Les flux de déplacements sont plutôt organisés pour rabattre les travailleurs de la périphérie vers Bruxelles et pas nécessairement dans l’autre sens.”
[…] “Il nous faut passer du modèle D (diplôme) vers le modèle ABC (aptitudes, bagage, connaissances)”, conclut le ministre bruxellois de l’Emploi.